Il y a «Maltraitance» lorsque l’action ou l’inaction d’un proche, d’un professionnel ou d’une structure ayant une emprise sur une personne en raison de sa faiblesse ou de sa situation de
dépendance, entraîne un préjudice chez cette personne. Cette emprise, ce lien de pouvoir différencie clairement la maltraitance des autres violences.
APPELS POUR MALTRAITANCE :
Les appels pour maltraitance sont déclenchés par la souffrance morale provoquée chez la victime ou chez le témoin par une situation de maltraitance ou par un ressenti de maltraitance.
Appeler signifie qu’il y a souffrance, mais non qu’il y ait forcément maltraitance, ni que celle-ci soit intentionnelle.
Le lien étroit entre victime et auteur rend complexe la résolution de cette maltraitance. En raison de ce lien et de cette vulnérabilité, écoute de l’appel, analyse et conseil, alerte,
accompagnement et «traitement» de ces situations posent des questions éthiques dont tous les acteurs doivent être conscients.
L’Ethique, réflexion sur la morale et sur les pratiques, ne fournit jamais des clés toutes faites pour répondre ni des solutions standards. L’éthique propose des règles de conduite qui
évitent de créer de nouvelles maltraitances en voulant « traiter » une telle situation sans analyse préalable. Elle permet de protéger victime, témoins, intervenants et … aussi les
auteurs involontaires.
1. OBJECTIFS DE L’ECOUTE, L’ANALYSE, L’ORIENTATION ET L’ACCOMPAGNEMENT DES APPELS POUR
MALTRAITANCE
«Le but de l’écoute, de l’analyse, du conseil, de l’alerte et de l’accompagnement des appels est de restaurer le bien-être de la victime en faisant cesser la maltraitance
et de rasséréner l’appelant.»
La résolution de la situation de maltraitance vise à restaurer le bien-être de la victime en veillant à ce que cette résolution ne crée pas une autre souffrance - peut-être pire que la
maltraitance initiale. On intervient sur des relations interhumaines.
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L’écoute et l’accompagnement visent aussi à rasséréner et conseiller le témoin qui appelle, qui peut être aussi en
souffrance et peut aussi vouloir intervenir pour faire cesser la situation.
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Un appelant peut aussi vouloir nuire à une personne, à une structure ou être le maltraitant lui-même.
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Un écoutant ne peut donc pas conseiller avant l’analyse fine de la situation.
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Pour arriver à cette résolution de la situation, l’équipe doit connaître les acteurs de proximité capables
d’intervenir avec pertinence pour faire cesser cette situation.
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Le Centre d’écoute n’a pas à se substituer à la mission d’un service public ou de la société civile dans sa
responsabilité spécifique. Il a à informer les services dont c’est la responsabilité et à coopérer avec eux pour faciliter la résolution de la
situation.
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L’objectif du centre n’est pas d’intervenir directement. Le centre n’en n’a ni les moyens, ni la mission. Orienter
après analyse vers les intervenants les plus pertinents pour agir est une mission difficile.
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L’objectif n’est jamais la sanction de l’auteur - qui est le plus souvent sans mauvaise intention. La sanction
n’est pas la mission du centre - y compris quand elle est indispensable.
2. COMPÉTENCE
«Celui qui participe à cet objectif doit disposer des savoirs nécessaires grâce aux formations spécifiques reçues, souvent grâce à sa profession initiale et grâce à l’expérience acquise.»
Cette exigence de compétence implique :
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Que chaque membre du dispositif, qu’il soit bénévole ou salarié, ait reçu la formation initiale nécessaire à sa
mission.
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Les connaissances évoluant, des mises à jour de cette formation initiale sont indispensables.
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Les besoins évoluent : des formations continues complémentaires en fonction des besoins spécifiques sont
nécessaires. L’expérience acquise au sein du dispositif est aussi un atout qu’il faut mutualiser en la recueillant.
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L’isolement est facteur de routines. Il est indispensable d’échanger régulièrement sur ses pratiques et son
expérience avec d’autres centres et d’autres acteurs.
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Chaque maltraitance a des aspects sociaux (liens auteur - victime, cohabitation, etc.), médicaux (fragilité de la
victime et souvent de l’auteur), économiques (abus financiers, coûts entraînés par la maltraitance), juridiques (de Droit Civil plus que de Droit
Pénal), psychologiques, etc…
Une pluridisciplinarité est indispensable dans l’analyse de la situation, dans le conseil donné, dans l’orientation de l’alerte … et dans l’intervention.
Cette pluridisciplinarité est souvent absente dans les structures d’intervention.
Seule une discussion collégiale (= non hiérarchisée) associant les référents
multi-professionnels et les écoutants, peut analyser la situation, conseiller et alerter les intervenants de façon pertinente.
Cette réunion collégiale doit suivre au plus tôt la première écoute.
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Ce n’est pas un référent isolé qui conseille, oriente ou alerte, c’est l’équipe du centre d’écoute, qu’il va représenter.
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Nul ne peut tout savoir, même dans son propre domaine : chaque centre peut mutualiser des compétences avec des centres voisins et la Fédération met
au service du dispositif des experts consultants internes au réseau ou externes.
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La connaissance des services, des compétences, des spécificités et des circuits locaux est un élément indispensable à la pertinence des réponses
apportées. La proximité est un atout nécessaire.
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«Testis unus, testis nullus». La parole de l’appelant n’a pas à être mise en doute, mais la recherche d’informations complémentaires, d’autres
témoins, d’autres points de vue est essentielle à l’analyse. En aucun cas, il ne peut s’agir d’une «enquête» - dénomination réservée.
Le centre d’écoute doit apporter une suspicion fondée, non une preuve, dont il n’a pas les
moyens. A cet ensemble de connaissances évolutives s’ajoute la conscience de la responsabilité reçue envers l’appelant et surtout la victime. Cette conscience de sa responsabilité est
un fort facteur de motivation pour tous les acteurs, bénévoles ou salariés.
3. CONFIDENTIALITÉ
«La garantie d’une confidentialité, est la condition indispensable pour une libre parole des victimes et des témoins sur ces informations sensibles.»
La confidentialité doit être respectée vis-à-vis :
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du témoin professionnel qui s’expose vis à vis de ses collègues et de sa hiérarchie. Il peut subir
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des représailles violentes et des sanctions - malgré la loi.
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du proche de la victime qui s’expose vis-à-vis de sa famille ou de la structure et qui craint d’exposer à des représailles son proche qui est
victime.
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de la victime. Il faut le plus souvent donner l’identité de la victime pour faire intervenir les
acteurs concernés. Ce doit être avec son accord (sauf mise en danger). La dignité de la personne victime est également à respecter - quel que soit son niveau de dépendance.
Lors de l’alerte donnée, les informations partagées avec les intervenants concernés se limitent strictement à toutes celles utiles pour faire cesser la situation de la victime.
(...)
Cette garantie de confidentialité absolue est essentielle pour rompre le silence qui entoure les maltraitances partout dans le monde. Cette confidentialité est facilitée par le travail
par téléphone sans déplacements physiques ni accueil sur place.
4. INDÉPENDANCE
«L’activité d’écoute, analyse et accompagnement doit s’exercer en toute indépendance, à l’abri de toutes les pressions extérieures.»
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L’indépendance est indispensable à la crédibilité de l’action du centre. Toute convention avec des partenaires
publics ou privés doit spécifier et garantir cette indépendance.
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Tout conflit d’intérêts doit être exclu au sein de chaque centre, comme au sein de la Fédération. En cas de situation pouvant impliquer directement ou indirectement un membre d’un centre, cette situation de maltraitance est dépaysée sur un autre centre.
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Toute pression extérieure reçue sur un dossier ne sera pas transmise aux référents.
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L’écoute doit être empathique mais garder sa distance, pour cela l’écoute doit se faire à deux, un des écoutants nourrissant le dialogue, l’autre notant les informations utiles ainsi que les indications sur la sincérité et la crédibilité du discours (les pervers manipulateurs savent utiliser le téléphone).
5. NEUTRALITÉ
«L’écoute, l’analyse, le conseil, l’alerte et l’accompagnement se font toujours de façon neutre, indépendante de tout préjugé, sans porter de jugement sur quiconque. Cette neutralité absolue
permet un accompagnement pertinent.»
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Les centres ne peuvent disposer que d’informations partielles. Nous ne pouvons parler que de maltraitances
suspectées et non de maltraitances avérées, jusqu’à l’action des intervenants alertés par le centre ou sur les conseils du centre.
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Une majorité de maltraitances n’est pas intentionnelle. Nombre de maltraitants croient bien faire. D’autres sont
inconscients du caractère maltraitant de leur action ou inaction. D’autres ignorent ce qu’ils auraient du faire. D’autres font ce qu’ils peuvent et
sont culpabilisés de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir faire ce qu’il faudrait. D’autres sont pathologiques. Souvent, l’auteur
a autant besoin d’aide que la victime.
Enfin, certains autres abusent leur victime par perversion du pouvoir que leur donne la faiblesse de la victime mais sont protégés par l’«immunité familiale».
Enfin, - ce n’est pas si rare - l’appelant peut être le maltraitant !
6. AUTONOMIE
«L’autonomie de la victime doit être respectée,
son avis est recherché chaque fois que possible.»
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Sauf mise en danger, aucune initiative ne doit être prise s’il y a opposition de la victime à la proposition.
La première cause d’échec des solutions proposées est le refus de celles-ci par la victime, en particulier dans les maltraitances à domicile. Ce qui est logique lorsque l’auteur est un
proche ou un professionnel dont la victime dépend. D’où l’intérêt de rechercher chaque fois que possible les souhaits de la victime….pas toujours en accord avec ceux de l’appelant.
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L’autonomie de l’appelant doit être encouragée. Si il a fait la démarche d’appeler, il peut être prêt à se
responsabiliser en menant lui-même les démarches auprès des intervenants concernés. Il faut cependant éviter d’exposer les professionnels appelants
(soignants, médecins, psychologues, animateurs, travailleurs sociaux, etc…) à s’exposer eux-mêmes (institutions) ou à exposer la victime en risquant de supprimer le lien qu’ils constituent entre la victime et l’extérieur (pas
seulement au domicile).
7. ACCOMPAGNEMENT
«Tout appel pour maltraitance est d’abord un appel au secours qui exige souvent un long accompagnement jusqu’à la résolution de la situation et souvent au-delà.»
(...)
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Une fois l’alerte donnée aux services publics ou aux acteurs de la société civile concernés, la maltraitance n’est
pas pour autant résolue. La mission du centre n’est pas achevée. Rien ne prouve que les actions souhaitables seront menées, ni même décidées. Rien
ne prouve qu’une fois lancées elles seront efficaces, ni qu’efficaces elles n’auront pas d’effet adverse imprévu.
Dans ces situations complexes, c’est souvent un long accompagnement qui est indispensable pour aider victime et appelant, avant que la situation ne soit résolue.
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Le centre d’écoute n’a pas pour autant à prendre des rôles pour lesquels il n’a ni la mission, ni la compétence :
psychothérapie, médiation familiale, thérapie familiale, aide judiciaire aux victimes, etc… Il y a pour cela des organismes spécifiques dont c’est
la mission, qui sont formés à ces tâches et vers lesquels nous devons diriger les situations qui en relèvent.
8. DÉVELOPPEMENT DES CONNAISSANCES
«L’expérience acquise dans l’écoute, l’analyse et l’accompagnement des ces situations crée un savoir nouveau qu’il est nécessaire de recueillir
pour assurer un progrès continu.»
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Au niveau national et international, les connaissances sur le phénomène de maltraitances restent limitées. Recueillir celles du réseau de centres
peut assurer un utile progrès.
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La saisie complète des données permet une information quantitative, unique à ce jour.
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Le recueil auprès des centres volontaires des informations fines sur les typologies permet la description fine des
situations de maltraitances, connaissance indispensable pour tout progrès de la prévention et du «traitement» de ces situations.
9. GRATUITÉ
«L’action associative d’écoute, conseil, orientation et accompagnement doit être accessible librement à tous. Elle est financée par la DGCS et par certains organismes publics territoriaux et
privés dans ce but.»
Notre action ne peut être que gratuite.
10. ÉVALUATION
«Pour progresser et faire connaître et reconnaître le rôle de cette écoute, analyse, orientation et accompagnement indépendants et neutres, des évaluations régulières de l’activité des
centres locaux et national sont réalisées.»
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Des outils d’auto-évaluation et d’évaluation externe adaptés sont proposés aux divers centres.
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Chaque rapport général et local contient des propositions de progrès.